Avec la parution du dernier rapport du GIEC le 09 août 2021, tous les regards se tournent vers le changement climatique. Enfin, celui-ci fait la Une médiatique. Enfin, les voix s’élèvent…Un sentiment d’urgence, propagé par la presse, s’empare de la population. Et pourtant, cela fait plus de 30 ans que le GIEC répète inlassablement les mêmes choses. Certes, à chaque rapport, les chiffres sont plus précis, les preuves plus étayées, et les affirmations moins nuancées. Le 11 décembre 1997, le Protocole de Kyoto était signé. Et en 2015, c’était au tour de l’Accord de Paris. Mais finalement, quel est l’objectif de l’Accord de Paris ? Où en est-on à l’heure actuelle ? Bilan dans cet article.
L’Accord de Paris : son contexte
L’Accord de Paris est adopté lors de la Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques (COP21) par les 196 délégations (appelées “parties”) présentes. Les précédents engagements internationaux sur le climat dataient de 1992 (Convention cadre des Nations-Unies sur le changement climatique) et de 1997 (Protocole de Kyoto).
Qu’est-ce que la Convention cadre des Nations-Unies sur le changement climatique ?
La Convention cadre des Nations-Unies sur le changement climatique (CCNUCC) est l’une des 3 conventions du Sommet de la Terre de Rio de 1992, avec la Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Convention sur la lutte contre la désertification (CLD). Les 197 pays qui ont ratifiée la CCNUCC sont appelés Parties à la Convention. Par “ratification”, on entend un engagement juridique de la part des Parties.
L’objectif de la CCNUCC est de “stabiliser les concentrations des gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. La création du GIEC en est l’outil.
Qu’est-ce que le Protocole de Kyoto ?
Le Protocole de Kyoto est un accord international pour lutter contre le changement climatique. Premier accord ayant pour objectif la réduction des émissions des gaz à effet de serre, il est signé le 11 décembre 1997 au Japon et ratifié seulement en 2005. A l’époque, son objectif était de réduire les émissions de GES de 5% par rapport à celles de 1990 à l’horizon 2008-2012. Cet objectif est plus contraignant pour les pays industrialisés en raison de leur plus grande responsabilité dans les émissions de GES mais aussi de leur plus grande capacité de mise en oeuvre. Les pays dits en développement ont, quant à eux, des dispositions particulières afin de ne pas porter atteinte au niveau de vie des citoyens.
Le Protocole de Kyoto possède un mécanisme particulier : celui de la possibilité de vendre des droits d’émission de GES. En effet, si les pays ont d’abord pour obligation d’atteindre leur objectif national via des mesures de réduction d’émissions de GES, le Protocole de Kyoto offre aux parties trois mesures de marché :
- les permis d’émissions : les pays industrialisés peuvent vendre et acheter des permis d’émission entre eux.
- la mise en oeuvre conjointe (MOC) : les pays industrialisés peuvent mettre en place des actions visant à réduire les émissions de GES hors de leur territoire national et bénéficier ainsi de crédits d’émission supplémentaires.
- le mécanisme de développement propre (MDP) : même principe que le MOC mais pour des projets dans les pays dits en développement.
On a souvent souligné les effets pervers de ces mesures permettant finalement d’émettre plus d’émissions en achetant des permis ou en développant des projets dans les pays dits en développement. Certains pays ont aussi revendu leurs crédits d’émissions excédentaires au plus offrant, favorisant l’émergence d’un véritable “marché d’émissions“. Difficile aussi d’évaluer le véritable impact des projets MOC et MDP.
Arrivé à échéance en 2012, le Protocole de Kyoto est reconduit jusqu’en 2020… sans la ratification de la Chine, de la Russie, du Japon, du Canada et des États-Unis. Dès lors, seuls 15 % des émissions mondiales de GES sont concernés. Actuellement, 192 parties ont ratifié ce protocole.
L’Accord de Paris : ses objectifs
L’Accord de Paris engage toutes les parties (196 pays signataires) à maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 degrés, idéalement le plus proche des 1,5 degré à l’horizon 2100. Cet accord engage de la même façon tous les pays, peu importe le niveau de développement, se différenciant de la sorte de Kyoto. Par ailleurs, il traite de l’ensemble du climat, et pas seulement des émissions de gaz à effet de serre (GES).
La signature d’un accord n’est pas contraignante juridiquement, il s’agit avant tout d’un engagement moral à ne pas entreprendre d’actions contraires à l’accord. Par contre, la ratification engage les parties entre elles et et inscrit l’accord dans la législation du pays. Pour que l’Accord de Paris entre en vigueur, il est nécessaire d’obtenir 55 ratifications et l’équivalent de 55% des émissions mondiales.
En 2016, 15 pays ratifient immédiatement l’Accord de Paris. Les ratifications se poursuivent dans le courant de l’année, jusqu’à atteindre l’équivalent de 55% des émissions mondiales. L’application de l’Accord de Paris débute en novembre 2016, avec la COP22 organisée à Marrakech (Maroc) et en 2017, 168 pays ont ratifié l’Accord.
L’Accord de Paris est énoncé sous forme de principes :
- atteindre la neutralité carbone,
- accroitre l’adaptation aux changements climatiques,
- soutenir les pays en voie de développement.
Petit problème, les obligations de réductions d’émissions de GES sont très floues. Et chaque pays est libre de la mise en oeuvre. Pour fin 2020, 150 parties se sont engagées à remettre leur rapport de contribution au niveau national à cet objectif de réduction d’émissions de GES ainsi que les moyens mis en oeuvre pour y parvenir.
L’Accord de Paris 5 ans après, promesse tenue ?
En 2019, la COP25 de Madrid se révèle très décevante : les parties hautement émettrices (Chine, Inde, Etats-Unis, Australie ou Brésil ) bloquent un possible consensus, même si 80 petits pays se disent prêts à augmenter leurs efforts pour aller dans le sens de l’Accord de Paris. Néanmoins, aucun pays n’a pris d’engagement suffisant. En poursuivant sur cette lancée, le réchauffement global terrestre serait de plus de 3 degrés. La COP25 met en lumière une incapacité d’action politique ambitieuse.
Sous la direction de Donald Trump (en 2017 avec prise d’effet en 2020), les Etats-Unis se retirent de l’Accord de Paris. Le 22 septembre 2020, la Chine annonce son objectif de neutralité carbone d’ici 2060. Le Japon et la Corée, rejoints par les Etats-Unis sous la présidence de Joe Biden, annoncent quant à eux la neutralité pour 2050.
Du côté de l’UE, le 28 novembre 2019, le Parlement européen décrète l’état d’urgence climatique. Le 28 juin 2021, la loi Climat est votée tandis que le 14 juillet 2021, le green deal (ou pacte vert) est instauré avec une ambition : être le premier continent neutre pour le climat. Les 27 pays de l’UE s’engagent à réduire leurs émissions de GES de 55% par rapport aux niveau de 1990 pour 2030. Ce pacte vert est présenté à l’Accord de Paris comme nouvelle contribution déterminée au niveau national (CDN).
Que contient la Loi Climat européenne ?
La Loi Climat vise à inscrire dans le droit européen les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, révisés tous les 5 ans sur base des données scientifiques disponibles.
Actuellement, seules 17 contributions sur 150 ont été remises.
Pourquoi l’Accord de Paris n’a-t-il pas mis en place des sanctions pour les pays aux engagements trop faibles ou inexistants ?
S’il s’est basé uniquement sur la bonne volonté des parties, l’accord prévoit malgré tout la possibilité pour chaque citoyen de poursuivre son Etat en justice afin d’exiger que les obligations nationales de réduction d’émissions de gaz à effet de serre soient respectées. De nombreux recours ont ainsi vu le jour en Espagne, aux Pays-Bas ou encore en France.
Des recours contre les Etats
Aux Pays-Bas, la Cour suprême a rendu une décision historique en décembre 2019 dans l’affaire de l’ONG Urgenda contre les Pays-Bas : l’obligation pour les Pays-Bas de réduire leurs émissions de 25% pour 2020 comme ils s’y étaient engagés initialement. En France, le Conseil d’Etat, le 19 novembre 2021, dans l’affaire opposant la ville de Grande-Synthe contre l’Etat, a demandé à ce que les parties fournissent des preuves démontrant qu’elles peuvent parvenir à réduire leurs émissions de 40% d’ici 2030. En Belgique, le 17 juin 2021, le Tribunal de première instance condamne collectivement les autorités belges pour leur politique climatique négligente, dans le cadre de l’Affaire Climat.
Ces actions rendent finalement l’Accord de Paris contraignant, permettant par là de tenter de maintenir le réchauffement climatique le plus bas possible…
Sources
- Qu’est-ce que la CCNUCC, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques ?, site web United Nations Climate Change
- “What is the Kyoto Protocol?”, site web United Nations Climate Change
- “Le Protocole de Kyoto, enjeux et bilan”, site web Géo
- “L’Accord de Paris : promesses tenues“, Arte
- “Un pacte vert pour l’Europe”, site web Commission européenne
Bonjour,
C’est tout de suite beaucoup plus clair ! Je pense que même si aujourd’hui les Etats sont contraints par des recours, les délais de mise en oeuvre sont beaucoup trop longs en comparaison à l’urgence climatique actuelle.