Comme je l’explique dans mon précédent article sur l’écoféminisme, ce qui le rend si riche c’est notamment sa grande diversité. Ce mouvement est à la fois théorique et pratique. Voici quelques éléments clés qu’on peut mettre en évidence :
- Ce n’est pas simplement le point de rencontre entre écologie et féminisme.
- Les écoféministes n’insistent pas outre mesure sur le lien essentialiste entre femme et Nature mais sur le lien entre domination des femmes et domination de la Nature. Ces deux dominations sont deux facettes d’un même système patriarcal.
En fait, on peut parler de 3 types de liens mis en avant par les écoféministes :
1. Certaines écoféministes relèvent l’injustice environnementale et le fait que les femmes sont plus impactées par la crise climatique que les hommes.
2.D’autres analysent le lien symbolique qui a été fait entre les femmes et la Nature. Cette naturalisation a causé domination.
3. Un troisième type de lien est systémique : le patriarcat et le capitalisme reposent sur une double exploitation, celle des femmes et de la Nature.
Mais qui sont les écoféministes ? Quels sont les différents mouvements passés ou présents ? Voici l’un des premiers mouvements dans l’Histoire que j’avais envie de succinctement vous présenter : le GreenHam Common. Si vous souhaitez approfondir le sujet, vous trouverez quelques sources en fin d’article.
Greenham Common
C’est en 1981 que s’ouvre le Greenham Common Women’s Peace Camp dans le Berkshire, un comté d’Angleterre. Tout commence avec 36 femmes qui entament une marche depuis Cardiff jusque Greenham pour manifester suite à la décision de l’OTAN d’autoriser le stockage de missiles dans des bases militaires. Certaines d’entre elles s’enchainent aux barrières de la base Royal Air Force, première base désignée par l’OTAN pour accueillir plus d’une centaine de missiles.
Constatant le manque d’intérêt des autorités et des médias, les militantes refusent de quitter les lieux et c’est ainsi que se crée peu à peu ce camp de protestation pacifique anti-nucléaire. En 1982, 30 000 femmes occupent la base. Il s’agit de femmes uniquement, pleinement actives dans cette lutte. Des femmes blanches de la classe moyenne au départ, des mères, qui veulent investir un terrain, celui de la guerre, habituellement strictement réservé aux hommes. Le camp est subdivisé en 9 sous-camps, portant chacun un nom de couleur et possédant une identité propre. Le “Violet gate” est par exemple porté sur la religion alors que le “Yellow Gate” s’intéresse particulièrement à la culture new age.
Le 1er avril 1983, le camp devient célèbre dans le monde entier lors de la formation d’une chaine humaine de dizaines de milliers de personnes qui relie sur plus de 20km Greenham à l’usine d’armements nucléaires d’Aldermaston. Les militantes communiquent avec d’autres mouvements féministes de protestation antinucléaire comme le Pine Gap Women’s Peace Camp en Australie et le Women’s Encampment for a Future of Peace and Justice (WEFPJ) aux Etats-Unis.
Des femmes du monde entier viennent visiter le camp, voire s’y installent. L’espace devient plus hétérogène, avec des personnes de cultures, nationalités et classes sociales variées. Cela permet à toutes de découvrir comment se décline l’oppression sociale dans le monde, leur permettant d’alimenter leur prise de conscience.
Le Greenham Common est le premier mouvement de protestation qui se proclame écoféministe. C’est un mouvement très artistique avec pour volonté de remettre l’art au centre de la vie quotidienne, et non une pratique réservée à une élite ou à des moments particuliers.
‘We fear for the future of all our children and for the future of the living world which is the basis of all life’.
C’est aussi leur inventivité qu’on retiendra d’elles avec des actions pleines d’imagination et de symboles, comme “Embrace the base” le 12 décembre 1982, où 30 000 femmes se donnant la main encerclent les 24 km du camp militaire.
Ou “Dancing on the silos” : 44 femmes dansent pendant quelques heures sur le silo dans lequel se trouvaient les têtes nucléaires.
C’est en 2000 que le camp ferme ses portes et avec lui le plus long mouvement écoféministe de l’Histoire…19 années en tout.
En automne 2021 sortira un film dédié à leur histoire : “Mothers Of The Revolution“, réalisé par Briar March.
Crédits photo : Ed Barber
Envie de découvrir un autre mouvement écoféministe qui a marqué l’Histoire ? Découvrez prochainement mon article sur le Women’s Land.
Pour en savoir plus
- Podcast Les Rencontres de Gaïa
- How the Greenham protest changes our lives, The Gardian
- From the archive: Greenham Common protests, 1982, The Gardian
- Le camp pour la paix exclusivement féminin de Greenham Common, Ritimo
- “Présence des sorcières. Du bûcher à l’écoféminisme”, émission France Culture.
- “Caliban et la sorcière”, Silvia Federici
- “Ecoféminisme”, Maria Mies et Vandana Shiva
- “Feminism and the Mastery of nature”, Val Plumwood
- “Etre écoféministe, une enquête philosophique”, Jeanne Burgart Boutal
- “Women’s Lands – Construction D’une Utopie, Oregon, Usa 1970-2010”, Françoise Flamant
Aberrant. Insultant. L’histoire a beaucoup de choses à nous cacher, ou peut-être que beaucoup de choses doivent être cachées. Combattre pour les femmes ne devrait pas être un combat.
Pour le lien entre domination de la nature et domination de la femme, bien que je ne connaissais pas le termes, j’en suis entièrement consciente depuis toute petite. La nature a subi le même sort que les femmes. Heureusement pour les femmes, elles se lèvent.
Le côté tragique dans l’histoire, c’est que la nature le fera aussi. Et, elle punira tout le monde.
En effet…c’est malheureux, et heureusement les voix se sont élevées, continuent à le faire, il faut être optimiste car de toute façon, il est trop tard pour ne rien faire…