Cette semaine, j’avais à cœur de rédiger un billet d’humeur. L’envie de partager avec vous une réflexion sur le développement personnel, et le lien, à mon sens très fort, qu’on peut y faire avec le développement durable. Si ces liens peuvent être vertueux, et amener à un mieux-être – c’est d’ailleurs l’argument-phare que je défends bec et ongles avec mon “consommez mieux pour être heureux”, les dérives sont aussi présentes que celles des banquises. A vouloir faire bien, on se met la pression. A vouloir faire mieux, on peut vouloir en faire trop. A vouloir faire trop, on risque l’épuisement.
A vouloir faire finalement, on en oublie d’être…
L’injonction du faire
Non, je ne couds pas. Non, je ne tricote pas, non je ne pratique pas le collage créatif, non je ne peinds pas, non je ne fais pas de pâte à sel, non je ne fais pas (à quelques rares exceptions près) mes cosmétiques moi-même, non je ne colorie pas des mandalas. Au niveau créatif, je suis ce qu’est le ver de terre est à l’échelle de l’évolution. Et en disant ça, je vous vois venir, j’ai le plus haut respect qui soit pour le ver de terre !
Pourtant, ce n’est pas comme si je n’avais pas essayé : j’ai acheté de la laine récoltée dans le respect des animaux, je me suis dotée d’aiguilles spéciales, j’ai reçu un livre de tricot, j’ai fait mes tawashi, et un collage approximatif après 18h de cogitation.
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J’ai suivi des formations en ligne pour dessiner des petites fleurs, j’ai ressorti mes livres de dessin, mes crayons et mes pastels. J’ai créé des tableaux Pinterest d’inspiration en tous genres, j’ai admiré très fort tous les comptes créatifs que je suis sur Instagram. J’ai récupéré des contenants de cosmétiques et j’ai concocté des cosmétiques d’une simplicité enfantine: la chantilly de beurre de karité et un sérum anti-acné de Peau Neuve. J’ai longtemps réfléchi, sans passer à l’acte, au macérât huileux de pâquerettes. Je me suis mise à la recherche d’un vieux maillot pour réaliser un masque sans couture, et j’ai même acheté du papier origami pour réaliser quelques décorations pliées.
J’ai beaucoup pleuré, j’ai beaucoup stressé, je me suis beaucoup énervée, je suis passée par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel psychique, pour finalement en tirer une conclusion :
Si toutes ces activités sont censées me faire du bien, et qu’elles me procurent tout le contraire, pourquoi je me force ?
Le paradoxe du développement
Depuis plusieurs années, on est comme inondé par le développement personnel. Chacun le pratique, possède sa Bible et prodigue moult conseils. Mais surtout, c’est comme si on ne pouvait pas, au sens d’avoir le choix, passer à côté du développement personnel. Et c’est bien là tout son paradoxe : il faut se sentir bien, il faut pratiquer une activité créative/sportive/spirituelle pour son bien-être psychique, à l’instar de la sacro-sainte séance de galipettes bi-heddomadaire. Attention, je ne résume pas le développement personnel à la pratique créative, mais j’utilise celle-ci pour illustrer mon propos.
Cette injonction à la norme se répète finalement dans toutes les sphères de notre individualité, même dans un domaine aussi personnel que celui, justement, du développement personnel. Cela illustre une nouvelle fois comme la société de consommation génère des frustrations : en se comparant aux autres, qui nous paraissent plus avancés sur leur cheminement spirituel par exemple, on se dévalorise. Finalement, c’est tout l’inverse qui se crée : le développement personnel généralisé diminue notre estime de soi ! On en arrive à une dépersonnalisation du développement personnel, qui en se normalisant, perd son essence vitale. Et les réseaux sociaux sont un terrain propice à cette dévalorisation…Nous devenons comme des miroirs les uns des autres, dont les mosaïques, sortes de mises en abîme, se répètent inlassablement au fil de nos pérégrinations sur les réseaux sociaux. Difficile dans ce contexte de ne pas avoir envie de faire mieux ! Mais pour qui ? Pour quoi ?
Gaspiller ses ressources
Je trouve qu’il existe un lien fort entre développement personnel à outrance et développement durable. En effet, on gaspille quelque part nos ressources psychiques, notre temps, nos envies, pour essayer d’atteindre le nirvana. Un idéal de développement personnel sans cesse réinventé, grâce au marketing, à la publicité, aux influenceurs, aux nouveaux livres, etc. Une spirale sans fin qui fait écho à la consommation de masse. La production de biens consommables génère elle aussi un gaspillage de ressources environnementales non renouvelables.
Et on retrouve des injonctions de perfection au niveau du développement durable et de l’éco-consommation : quelle culpabilité n’a-t-on pas ressentie en achetant tel produit trop emballé ? Qui n’a jamais dit à ses convives “désolée, je l’ai acheté tout fait [ce dessert] car je n’ai pas eu le temps” ? Qui n’a pas le sentiment de devoir se justifier ou le sentiment de n’en faire jamais assez en termes de consommation durable ? Comme si, quelque part, il devenait impératif de consommer mieux, un impératif que je soutiens bien sûr, mais pas au déni de son bien-être.
L’art du lâcher-prise
Si je martèle mon “consommer mieux pour être heureux”‘, c’est car je crois en la vertu du développement durable. Je crois que consommer dans le respect de la Terre, des animaux et des Hommes amène plus de bonheur, plus de respect, et permet de tisser des liens avec les artisans et les créateurs (vous savez, ceux qui sont capables de faire quelque chose de leurs deux mains). Je crois que consommer mieux amène une réflexion plus large de mieux-être, de repenser sa vision de la vie, ses besoins, en essayant de se détacher de la société de consommation. Et c’est là que l’on doit trouver son équilibre.
On ne quitte pas un diktat pour se plier à un autre.
Emprunter le chemin de l’écoresponsabilité permet de mieux se trouver, de prendre le temps de se réapproprier ses valeurs, tout comme le développement personnel est un outil pour se découvrir et grandir. S’il est prouvé qu’une activité créative augmente le bien-être psychologique et libère le stress, tout comme le sport, libre à chacun de trouver comment exprimer sa créativité, sans se brider et sans se mettre de pression. En fait, c’est surtout l’activité en soi qui doit procurer du plaisir, peu importe sa durée, la technique, le résultat, etc.
A nous de conserver notre libre-arbitre. Tenter des expériences comme créer un compost ou faire du collage, c’est une bonne chose, si et seulement si ces expériences nous apportent plus de bonheur et nous enrichissent, et ne se transforment en contraintes. Les réseaux sociaux sont une source intarissable d’inspiration, à nous de lâcher prise pour ne pas tomber dans le piège de la comparaison. L’important, selon moi, c’est de garder la notion de plaisir, de se faire du bien, et ce qui plaira à l’un ne plaira peut-être pas à l’autre.
Mais surtout, n’oublions pas de respirer : chacun son rythme, chacun ses besoins, chacun ses envies…La créativité est multiforme : activités manuelles, débats, jeux de société, promenade, cuisine, méditation, etc. Il existe autant de formes créatives que d’individus et c’est ce qui en fait toute la richesse. L’occasion pour moi de conclure par une ouverture vers un futur article :
La créativité, finalement, c’est chacun son truc !
Merci pour ce très bon article.
Forcément, je suis citée, alors je me DEVAIS de réagir (en toute bienveillance, le bonheur est le chemin, L.O.L).
Je suis d’accord avec toi sur beaucoup de ce que tu dis. Le développement personnel est devenu un business et une nouvelle injonction au “être heureux”. Je fuis de plus en plus les pratique de développement personnel, et tous ces livres justement. A force de culpabiliser de “ne pas faire ce qu’il faut aka me lever à 5h du matin pour méditer aka et manger 5 fruits et légumes par jour pendant que j’organise une routine pour réussir (quoi ? ça on sait pas)”.
Par contre, pour la créativité, le chemin est pour ma part tout autre. J’ai commencé par ennui “je pourrais faire quoi en (re)gardant ma fille ramper ? cuisiner me demander trop de va et viens et je réfère rester assise pas loin d’elle… ah tiens je vais découper des images et les coller, ca va passer le temps” Et ce “passe-temps” est devenue une pratique qui m’apporte beaucoup de bien, me déstresse. Le message que je veux partager c’est que ce passe-temps, comme un autre, peut faire du bien à tous. Et qu’il ne faut pas grand chose pour commencer. Ce qui me rend triste c’est justement tous ces commentaires “je ne sais pas” (dessiner, coudre, peindre, peu importe). Pour moi c’est justement là où les artistes ont “raté”. Il n’y a pas de “savoir”. Il faut juste faire, apprendre, pratiquer. Comme une langue. Les grands Maîtres ont rendu quelque chose d’accessible à tous, inaccessible (en nourrissant ce sentiment de nullité absolue). Bref je m’égare. Mais je vois tout à fait où tu veux en venir.
Je crois qu’il faut juste se demander “qu’est ce qui me fait du bien ? qu’est ce qui me rempli ?”. Pour certains ce sera regarder Netflix, pour d’autres ce sera dessiner, et d’autres encore se promener en forêt. Ce qui fait du bien pour l’un ne marche pas pour l’autre (ha la fameuse histoire de l’herbe verte du voisin), et finalement, tout va bien 🙂
Merci pour ton commentaire, très intéressant sur ta démarche. Je te rejoins totalement sur l’importance de se réapproprier nos moments de bien-être, juste pour se faire du bien, sans regarder dans l’assiette du voisin Enfin, y regarder, c’est bien aussi pour s’inspirer
Et je suis d’accord avec toi, parfois dire « je ne sais pas », cela évite de se lancer, alors qu’on parle d’une pratique… <3